Tome des Bauges

Annecy est la capitale des Alpes françaises. Logée entre lac et montagnes, la cité lacustre marque l’entrée des grands cols qui ont fait la légende du Tour de France. Les organisateurs de ce dernier ne s’y trompent pas et la ville est régulièrement choisie pour accueillir le départ d’une étape : 2009, 2013, 2018…

Par une chaude journée d’été du mois de juin - la France fait alors face à vague de chaleur venue d’Afrique du Nord - nous décidons de tourner le dos aux Alpes pour aller à la découverte des Bauges. Ce massif, à cheval entre la Savoie et la Haute-Savoie, est moins connu que celui des Aravis mais présente l’avantage d’une circulation automobile réduite. Surtout, les Bauges et son Parc naturel régional se distinguent par une vie pastorale riche et la production de fromages de tout premiers choix. Dont la fameuse tome des Bauges. Tome, avec un seul m, pour ne pas être confondue avec la tomme, avec deux m, terme générique pour dénommer un fromage de montagne. Le prétexte était donc tout trouvé pour profiter de cette belle fin d’après-midi.

Bertrand et moi nous élançons par la piste cyclable qui longe le lac, avant de bifurquer rapidement sur la D912 qui serpente et s’élève tranquillement dans la forêt, le long des contreforts du Semnoz. 12 kilomètres à 3-4% nous séparent du col de Leschaux : parfait pour une mise en jambe. La chaleur est pesante - 35°C - mais nous trouvons de la fraîcheur à l’ombre des arbres. Surtout, le plaisir d’échapper à la torpeur de la ville et de tourner les jambes nous donnent le sourire.

Le paysage se fait plus spectaculaire alors que nous gagnons de l’altitude. Forcément, à l’approche du col, on ne résiste pas à l’envie de durcir le rythme de notre ascension, pour savoir lequel de nous deux craquera le premier. C’est la fontaine, située au sommet du col, qui sortira grande vainqueur de cette course, puisque nous nous jetons littéralement sur l’eau, délicieusement froide. 

La descente vers Lescheraines, 8 km plus bas, est rapide et nous offre l’opportunité de nous rafraîchir. Arrivés au village, nous laissons sur notre droite la route qui monte vers le col de Plainpalais et bifurquons à gauche en direction de la Motte-en-Bauges.

De nouveau, la route s’élève mais cette fois nous sommes à flanc de colline dégagée, et nous profitons pleinement de la vue. En cette fin d’après-midi, la lumière commence à se faire plus douce et vient souligner chaque détail de la montagne.

Chose promise, chose due, nous voici en vue de la ferme de la Marmotte en Bauges. Dès que nous arrêtons de pédaler, la chaleur nous rattrape. Et ce coup-ci pas de fontaine !

Nous nous présentons à l’accueil de la ferme : personne… c’est l’heure de la traite des vaches. Nous apercevons le couple d’exploitants, avec qui nous sympathisons rapidement et qui nous autorise à visiter l’étable. Puis nous rencontrons Patrick, le père. Nous échangeons quelques blagues avec celui-ci et demandons quelques explications sur la fabrication de la tome des Bauges. Rapidement, il nous conduit sous l’étable - il ne se déplace pas très vite car il s’est cassé le pied en VTT électrique - et la fraîcheur qui se dégage du sous-sol nous encourage à poursuivre la descente. Une grande porte blanche s’ouvre et d’un coup nous nous retrouvons confrontés à… un coffre-fort à tomes ! A différents stades de maturation, plus de 2000 fromages nous présentent leur plus beau profil.

Patrick nous explique qu’il faut les retourner et les caresser pour aplatir la moisissure de la croute tous les deux jours. Nous nous nous prêtons évidement au jeu, hilares. Bertrand et moi achetons chacun une tome, que nous oublierons évidemment dans le réfrigérateur à l’heure du retour sur Paris, en vue de l’apéritif.

Nous saluons et remercions chaleureusement nos hôtes avant de remonter sur nos machines. Restées au soleil elles semblent avoir de la peine à repartir. Nous reprenons l’ascension vers Bellecombe-en-Bauge. Nous marquons enfin un dernier arrêt pour profiter pleinement du paysage, avant de repasser le col de Leschaux et d’avaler les 12 km de descente qui nous séparent du lac.

Il est plus de 20h30 quand nous posons les vélos. Si la distance parcourue est modeste - 60 km pour 1000 m de dénivelé - elle nous a offert ce que tout cycliste recherche : des paysages, des rencontres, de la camaraderie et quelques litres de sueurs.

Pour célébrer cette sortie comme se doit, nous nous installons au bord du lac pour déguster un bout de tome. Avec un seul m. 

Julien